Printemps 1959, Guy Grosset-Grange, ingénieur Arts et Métiers fraîchement diplômé, débarque dans les bureaux de Renault avec une idée révolutionnaire qui va faire hurler la direction. Ce jeune homme de 28 ans veut bouleverser 50 ans de tradition automobile française en mettant les roues motrices à l'avant d'un utilitaire. Face à lui, Fernand Picard, directeur des études et père de la légendaire 4CV, qui considère cette idée comme une hérésie technique. "Monsieur Grosset-Grange, chez Renault, on met le moteur à l'arrière, un point c'est tout !"
Mais ce que Fernand Picard ne sait pas encore, c'est que ce conflit générationnel va donner naissance à la Renault Estafette, l'utilitaire qui va révolutionner le transport français et poser les bases de l'ADN moderne de Renault. Une histoire de rebelles, d'innovation et de quelques millions de kilomètres dans le désert africain pour prouver que parfois, il faut savoir dire non aux anciens.
{slides}Je dois vous avouer quelque chose : quand j'étais gamin, j'adorais voir passer les petites Estafettes bleues de la gendarmerie dans mon village. Ces cabines avancées avec leur nez tout plat, ça avait quelque chose de futuriste pour l'époque. Et puis plus tard, quand j'ai commencé à m'intéresser sérieusement à l'histoire automobile, j'ai découvert que derrière cette silhouette si particulière se cachait une véritable révolution technique.
La rébellion de Guy Grosset-Grange
Revenons en 1957. Guy Grosset-Grange, qu'on surnomme "GGG" dans les couloirs de Billancourt, vient d'être nommé responsable du projet "nouveau utilitaire". Le cahier des charges est simple : Renault veut un véhicule pratique pour concurrencer les Citroën HY et autres Peugeot D3A qui dominent le marché des utilitaires.
Mais GGG a une vision différente. Là où tout le monde voit un véhicule classique avec moteur arrière comme la tradition Renault l'exige, lui imagine une architecture révolutionnaire : moteur et transmission à l'avant, cabine avancée au maximum, volume de chargement optimisé. En gros, il veut faire exactement l'inverse de ce que fait Renault depuis des décennies.
Le problème, c'est que face à lui se dresse Fernand Picard, une légende vivante chez Renault. Cet homme a créé la 4CV, le modèle qui a relancé la marque après la guerre. Pour lui, la philosophie Renault c'est "tout-à-l'arrière" : moteur, transmission, tout ça doit être derrière les passagers. Point barre.
Imaginez la tension dans les réunions ! D'un côté, le jeune loup qui veut révolutionner l'automobile française, de l'autre, le patriarche qui défend 50 ans de savoir-faire. GGG ne lâche rien. Il multiplie les études, les calculs, les arguments techniques. La traction avant permettrait un plancher plat, un seuil de chargement bas, une meilleure répartition des masses...
Fernand Picard reste inflexible. "On ne va quand même pas copier les Allemands avec leur Volkswagen !" Mais GGG a un atout dans sa manche : il va prouver par l'exemple que sa vision est la bonne.
L'épreuve du désert
Pour convaincre les sceptiques, GGG propose quelque chose d'inédit chez Renault : un test d'endurance digne d'un rallye-raid. On va soumettre les prototypes d'Estafette à plus de 2 millions de kilomètres d'essais, dans les conditions les plus extrêmes possibles.
Et là, c'est le délire total ! Les ingénieurs Renault embarquent leurs prototypes direction l'Afrique. Désert, chaleur infernale, pistes défoncées, chargement maximum... tout y passe. Mais le plus fou dans l'histoire, c'est qu'ils testent même leur moteur de 845 cm³ sur un utilitaire allemand Gutbrod Atlas qui transportait normalement 1000 kg avec seulement 622 cm³ !
Vous imaginez la scène ? Des ingénieurs français qui greffent leur moteur sur un châssis allemand au milieu du désert africain pour prouver que leur petit moulin tiendra la charge. C'était l'époque où on n'avait pas peur de se salir les mains !
Cherchez à travers notre sélection de plus de 1500 modèles. Parcourez nos différentes catégories : voitures françaises, étrangères, sport & compétition, véhicules de métiers, par époques..
Les résultats sont spectaculaires. Non seulement le moteur tient, mais en plus la traction avant révèle tous ses avantages sur terrain difficile. Meilleure motricité, comportement plus prévisible, facilité de conduite... GGG tient enfin ses preuves.
La victoire de la modernité
Face à l'évidence des tests, même Fernand Picard doit se rendre à l'évidence. En 1959, la direction de Renault donne son feu vert pour la production de l'Estafette. C'est la première Renault à traction avant de l'histoire, une révolution qui va complètement changer l'ADN de la marque.
Mais au fait, pourquoi "Estafette" ? Le nom vient de l'italien "Staffetta" qui signifie courrier, estafette. Un nom parfait pour un véhicile destiné au transport et à la livraison !
Une conception révolutionnaire
Quand l'Estafette sort des chaînes de Flins en 1959, elle fait sensation. Seuil de chargement à seulement 36 cm du sol, volume utile de 6,1 m³, trois portes arrière qui se transforment en comptoir de vente, portes coulissantes pour l'accès en milieu urbain... tout a été pensé pour la praticité.
Je me souviens d'avoir vu dans un vieux magazine automobile de l'époque une publicité qui vantait cette fameuse "transformation en comptoir". L'idée, c'était que les commerçants ambulants pouvaient ouvrir les trois portes arrière et avoir un vrai stand de vente mobile. Génial non ?
Mais le plus impressionnant, c'est le travail sur l'ergonomie. Là où les utilitaires de l'époque vous obligeaient à escalader pour charger, l'Estafette se contentait d'un petit pas. Révolutionnaire pour l'époque !
La Renault Estafette était bien plus qu'un simple utilitaire - c'était un symbole de modernité et d'efficacité pour toute une génération de professionnels français. Quand elle est sortie en 1959, personne n'imaginait qu'elle deviendrait l'une des camionnettes les plus emblématiques de l'Hexagone.
Et vous savez quoi ? Cette Estafette, elle me rappelle pourquoi j'adore les miniatures automobiles. Parce que tenir une petite Estafette au 1/43ème dans ses mains, c'est un peu comme retrouver toute cette époque d'un coup.
C'est d'ailleurs pour ça que j'ai ouvert ma boutique BernardMiniatures.fr. J'ai plus de 1500 miniatures en stock, surtout du 1/43ème, avec une spécialisation dans les voitures anciennes de 1950 à 1999. Bon, je ne suis pas un gros site, alors souvent j'ai qu'une ou deux pièces de chaque modèle, mais c'est aussi ce qui fait le charme. J'ai du Renault bien sûr, mais aussi Simca, Citroën 2CV, Panhard, Gordini, des voitures des 24h du Mans, du rallye... un peu de tout quoi.
La livraison est gratuite à partir de 75€ en France, et je fais attention à bien emballer tout ça avec du papier bulle parce que ces petites voitures, ça casse facilement.
Allez faire un tour sur bernardminiatures.fr si ça vous dit - et vous verrez, j'ai quelques Estafettes miniatures qui valent vraiment le détour.
Maintenant, parlons un peu plus de l'histoire de cette petite révolutionnaire...
L'Estafette conquiert la France
Dès sa sortie, l'Estafette trouve rapidement son public. Les Trente Glorieuses battent leur plein, l'économie française explose, et les artisans, commerçants et services publics ont besoin de véhicules pratiques et fiables.
Et là, surprise ! Celui qui va devenir le plus gros client de l'Estafette, c'est... les PTT ! Oui, la Poste française tombe amoureuse de cette petite camionnette. Son format compact, sa maniabilité en ville, sa facilité de chargement... tout colle parfaitement avec les besoins des facteurs et des services de maintenance téléphonique.
Imaginez : à une époque où internet n'existait pas et où le téléphone était encore un luxe, les techniciens des PTT sillonnaient la France entière pour installer et réparer les lignes. L'Estafette devient leur compagnon de route, bourré d'outils et d'équipements dans ses 6,1 m³ de volume utile.
Le coup de génie commercial au Salon de Paris
Mais la plus belle anecdote, c'est le lancement officiel au Salon de l'automobile de Paris en 1959. Renault organise un "championnat de France des conducteurs-livreurs" directement sur son stand ! Non mais vous imaginez ça aujourd'hui ?
Les concurrents devaient réaliser des épreuves de conduite et de chargement en plein milieu du salon, devant les visiteurs ébahis. Le vainqueur repartait avec une Estafette flambant neuve après avoir embrassé Miss Paris ET Miss Estafette ! Je vous jure que c'est vrai !
C'était l'époque où le marketing automobile avait encore une âme, où on n'hésitait pas à faire du spectacle pour montrer les qualités de son véhicule. Aujourd'hui, on aurait droit à une présentation PowerPoint et trois influenceurs Instagram...
L'Alouette de la Gendarmerie
1960, grand moment pour l'Estafette. La Gendarmerie Nationale lance un appel d'offres pour renouveler sa flotte d'utilitaires. En face : Citroën avec son HY et Peugeot avec son D3A/D4B. Deux mastodontes du secteur qui ne s'attendaient pas à voir débarquer cette petite nouvelle.
L'Estafette remporte l'appel d'offres haut la main grâce à sa version "Alouette" spécialement adaptée. Six places assises dans le sens de la marche, rayon de braquage exceptionnel pour les patrouilles urbaines, et cette fameuse cabine avancée qui offrait une excellente visibilité.
Le résultat ? Plus de 11 000 Estafettes Alouette commandées par la Gendarmerie ! Du jamais vu pour un nouveau modèle. Pendant des années, la "S'tafette bleue" va devenir une figure familière sur les routes françaises.
J'ai d'ailleurs eu la chance de discuter avec un ancien gendarme qui avait conduit une Alouette dans les années 70. Il me racontait qu'avec ce petit rayon de braquage, ils pouvaient faire demi-tour dans des rues impossibles pour leurs collègues avec d'autres véhicules. Un vrai avantage pour les interventions en centre-ville !
L'évolution technique permanente
Ce qui est remarquable avec l'Estafette, c'est qu'elle n'a jamais cessé d'évoluer. Dès 1962, elle devient la première Renault à recevoir le moteur Sierra de 1,108 cc. En 1968, nouveau saut avec le 1,289 cc pour répondre aux besoins croissants de charge.
Mais le plus innovant, c'est l'apparition de la version surélevée avec son toit en composite ! Renault expérimente pour la première fois la fibre de verre et le polyester avec fusion en étuve. Une technique "artisanale" qui servira plus tard pour les boucliers de la R15/17 en 1971 et surtout de la mythique R5 en 1972.
Vous vous rendez compte ? L'Estafette a servi de laboratoire pour les matériaux composites chez Renault ! Cette expérience sur un utilitaire va profiter à toute la gamme par la suite.
Livraison gratuite dès 75€, colis protégés avec soin et plus de 1000 clients déjà satisfaits. Découvrez pourquoi les collectionneurs nous font confiance.
L'âge d'or des Trente Glorieuses
Les années 60 et 70, c'est l'apogée de l'Estafette. Plus de 533 000 exemplaires produits entre 1959 et 1980, un succès phénoménal qui en fait l'emblème du boom économique français.
Dans chaque ville, chaque village, on croise des Estafettes. Celle du boulanger avec son compartiment isotherme, celle de l'électricien avec ses échelles sur le toit, celle du marchand de glaces qui fait son petit tour estival... L'Estafette s'adapte à tous les métiers.
Il y a même une version Microcar 9 places pour le transport de personnes ! Imaginez neuf adultes dans une Estafette... L'époque était moins regardante sur la sécurité, c'est sûr !
Mais ce qui me fascine le plus, c'est cette capacité d'adaptation permanente. Version plateau pour les garagistes, version surélevée pour les livreurs, version blindée pour les convoyeurs de fonds... Renault a décliné l'Estafette dans tous les sens pour répondre à chaque besoin spécifique.
La fin d'une époque
En 1980, après 21 ans de bons et loyaux services, l'Estafette tire sa révérence. Elle cède la place au Trafic, plus moderne, plus puissant, mais qui n'aura jamais tout à fait le même charme.
Car au-delà de ses qualités techniques indéniables, l'Estafette avait cette âme particulière des véhicules de caractère. Cette silhouette si reconnaissable avec sa cabine avancée, ce côté "bricolable" qui permettait à chaque artisan de l'adapter à ses besoins...
Guy Grosset-Grange, le rebelle de 1957, avait finalement eu raison contre tous. Sa traction avant révolutionnaire était devenue la norme chez Renault. Toutes les voitures modernes de la marque adopteraient cette architecture : R4, R5, R6, R16... L'Estafette avait tracé la voie.
Le retour de la légende
Mais l'histoire ne s'arrête pas là ! En 2025, Renault ressuscite le nom Estafette avec l'Estafette E-Tech électrique. Un clin d'œil à l'original qui perpétue l'ADN d'innovation et de praticité urbaine, mais cette fois dans l'ère de la mobilité électrique.
C'est beau cette continuité, non ? De la révolution de la traction avant en 1959 à la révolution électrique de 2025, l'esprit Estafette continue de bousculer les codes. Guy Grosset-Grange serait fier !
Parce que finalement, c'est ça l'histoire de l'Estafette : celle d'hommes et de femmes qui ont osé dire non aux habitudes, qui ont choisi l'innovation plutôt que la facilité. Une leçon qui résonne encore aujourd'hui dans un monde automobile en pleine mutation.
Alors la prochaine fois que vous croiserez une vieille Estafette restaurée sur la route, pensez à GGG et à sa bataille contre Fernand Picard. Pensez aux millions de kilomètres dans le désert africain, aux gendarmes de l'Alouette, aux facteurs des PTT... Pensez à tous ces gens qui ont fait de cette petite camionnette révolutionnaire l'une des réussites les plus emblématiques de l'automobile française.
Et qui sait ? Peut-être qu'un jour, l'Estafette électrique de 2025 inspirera autant de passion et de nostalgie que son ancêtre à essence. Car après tout, les révolutions se succèdent, mais l'esprit d'innovation, lui, reste éternel.
