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SIMCA : La marque française qui a trahi la France

Poissy, novembre 1978. Dans les bureaux feutrés de Chrysler Europe, une réunion se tient à huis clos. Autour de la table, des costumes-cravates américains face à des dirigeants français. L'ambiance est tendue, presque électrique. Au bout de quelques heures, un papier est signé. D'un trait de plume, une marque automobile française disparaît. Son nom ? Simca. Une marque qui était pourtant devenue numéro deux en France, qui équipait les taxis parisiens, et qui avait même transporté le général de Gaulle.

Mais comment diable une success story pareille a-t-elle pu virer au cauchemar ? Comment une marque qui dominait nos routes a-t-elle pu s'effacer aussi brutalement ? Parce que derrière cette disparition, il y a une histoire humaine fascinante, faite d'ambition, de trahisons et d'erreurs stratégiques monumentales.

Je dois vous dire, cette histoire me touche particulièrement. Pas seulement parce que j'ai grandi entouré de Simca - mon père en avait une 1000 rouge qu'il astiquait tous les dimanches - mais surtout parce que ça illustre parfaitement comment une marque peut passer du sommet aux oubliettes en quelques années. Et quand on collectionne les miniatures comme moi, on réalise vite que certaines Simca sont devenues des pièces rares, témoins silencieux d'une époque révolue.

Un Italien à Paris : La Naissance d'un Empire

Tout commence dans les années 1930 avec un homme qui n'avait rien d'un constructeur automobile traditionnel. Henri Théodore Pigozzi - ou plutôt Enrico Teodoro de son vrai nom - était un émigré italien installé à Paris. Ce type, il avait un flair commercial absolument extraordinaire. Après la Première Guerre mondiale, il s'était enrichi en rachetant et revendant les surplus militaires des forces alliées. Du matériel de guerre qu'il transformait en or.

Puis il se reconvertit dans le charbon et l'importation d'acier français vers l'Italie. Et c'est là que le destin frappe : en vendant de l'acier à Turin, il rencontre Giovanni Agnelli de Fiat. Une rencontre fortuite qui va changer sa vie et, sans qu'il le sache encore, l'histoire de l'automobile française.

En 1934, Pigozzi a une illumination. Les voitures Fiat se vendent bien en France, mais les taxes douanières sont prohibitives. Sa solution ? Racheter l'usine ultra-moderne de Donnet-Zédel à Nanterre et assembler les Fiat directement en France sous licence. Ni vu ni connu, les douanes sont contournées.

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Mais Pigozzi, ce n'est pas un homme qui se contente des miettes. Il a l'ambition chevillée au corps et l'idée de faire de Simca un vrai constructeur français. Progressivement, il s'émancipe de Fiat. Le logo italien disparaît, remplacé par une hirondelle qui symbolise la faible consommation. Malin, non ?

L'Aronde : Le Coup de Maître

Et puis arrive 1951. L'année où Simca sort l'Aronde. Là, mesdames et messieurs, on n'est plus dans l'assemblage de voitures italiennes. On est dans la création pure, française, avec un design qui claque et une mécanique fiable. C'est avec cette voiture que Simca gagne ses lettres de noblesse et devient enfin un "vrai constructeur français".

Je me souviens avoir vu une Aronde de 1955 dans un salon de collection il y a quelques années. Le propriétaire m'avait dit : "Cette voiture, elle représente l'optimisme des années 50". Et c'est exactement ça. L'Aronde, c'est la France qui se relève après la guerre, qui a envie de rouler, de partir en vacances, de vivre.

L' ge d'Or : Quand Simca Régnait sur les Routes

Les années 50 et 60, c'est l'explosion pour Simca. La marque devient numéro deux française derrière Renault mais devant Peugeot et Citroën. Oui, vous avez bien entendu : Simca était plus grosse que Peugeot !

Et Pigozzi, il ne fait pas les choses à moitié côté marketing. Tenez-vous bien : pour promouvoir la Simca 1000 en 1961, il a l'idée géniale de remplacer 50 taxis parisiens par 50 Simca 1000 rouge et noir. Imaginez l'effet ! Du jour au lendemain, Paris se retrouve avec ces petites voitures qui slaloment entre les monuments. Tour Eiffel, Champs-Élysées, Notre-Dame... La Simca 1000 est partout. C'est du marketing viral avant la lettre !

Quand de Gaulle Roulait en Simca

Mais le summum du prestige pour Simca, c'est quand l'Élysée commande deux cabriolets présidentiels spéciaux en 1960. Pas une, mais deux Simca pour le général de Gaulle ! Ces voitures, elles étaient sur mesure : carrosserie partiellement blindée, moteur V8 de 84 chevaux avec refroidissement amélioré pour les défilés.

Je trouve ça incroyable qu'une marque née de l'assemblage de Fiat en arrive à transporter le président de la République. C'est tout le génie de Pigozzi qui s'exprime là : partir d'une simple licence d'assemblage pour finir dans la cour des grands.

D'ailleurs, petite anecdote que j'adore : Jacques Tati et Pigozzi avaient sympathisé. Le cinéaste était même venu filmer des dizaines de Simca grises identiques sur les parkings gigantesques de l'usine de Poissy pour son film "Playtime" en 1967. Tati témoignait ainsi, selon ses mots, de "l'invasion de l'automobile dans l'uniformisation de la vie moderne". Prémonitoire, non ?

Tout se passait à merveille pour Simca. L'usine de Poissy tournait à plein régime, les ventes explosaient, et Pigozzi régnait en maître sur son empire automobile. Mais comme souvent dans les histoires de réussite, c'est au sommet que tout peut basculer.

Et ça, les Américains de Chrysler l'avaient bien compris...

1963 : L'Invasion Américaine

1963. Une date que tous les passionnés de Simca retiennent comme le début de la fin. Cette année-là, le géant américain Chrysler débarque et devient actionnaire majoritaire avec 63% du capital. Pour Pigozzi, c'est un choc terrible.

Imaginez la scène : l'homme qui a créé Simca de toutes pièces se retrouve minoritaire dans sa propre entreprise. Et les Américains, ils ne font pas dans la dentelle. En mai 1963, Pigozzi est brutalement limogé. "Monsieur Simca", celui qui avait fait de la marque un symbole français, est éjecté sans ménagement.

Je ne peux pas m'empêcher de penser à l'ironie du sort : Pigozzi avait astucieusement vendu les droits sur la marque et certains actifs via sa société Simca Industries au prix fort. En gros, il s'était fait avoir par sa propre ruse. Les Américains avaient payé cher pour tout racheter, et maintenant ils voulaient récupérer leur investissement.

La suite est encore plus tragique : Pigozzi meurt d'une crise cardiaque le 18 novembre 1964, moins d'un an après son éviction. Comme si sa vie était indissociable de Simca. L'homme qui avait créé un empire automobile ne survivra pas à sa destruction.

C'est d'une tristesse infinie quand on y pense. Ce type avait mis toute son énergie, sa passion, son génie commercial dans cette marque. Et du jour au lendemain, tout lui échappe.

La Gestion à l'Américaine

Avec Chrysler aux commandes, tout change chez Simca. Les dirigeants américains imposent leurs choix en matière de management et d'esthétique. Il y a un véritable océan entre la direction de Poissy et la maison-mère américaine, avec des points de vue inconciliables.

Et le plus dramatique ? Depuis 1963, aucun vrai nouveau modèle n'avait été lancé jusqu'aux 160/180. Tous les autres modèles dataient du début des années 60 ! Autant dire qu'en pleine révolution automobile des années 70, Simca se retrouvait avec une gamme vieillissante face à des concurrents qui innovaient sans cesse.

Les ingénieurs français se plaignaient constamment que les Américains ne comprenaient pas le marché européen. Les voitures devenaient moins françaises, moins adaptées aux goûts et aux besoins des conducteurs hexagonaux.

Bientôt, j'ai l'occasion de vous parler de quelques-unes de ces Simca de l'époque Chrysler sur ma boutique bernardminiatures.fr. D'ailleurs, si vous êtes passionnés d'automobile française des années 60-70, vous devriez y jeter un œil. J'ai plus de 1500 miniatures en stock, principalement du 1/43ème, avec de belles pièces Simca de différentes époques. Bon, je ne suis pas un gros site, alors souvent j'ai qu'une ou deux pièces de chaque modèle, mais c'est aussi ce qui fait le charme. Livraison gratuite à partir de 75€ en France, et je fais attention à bien emballer tout ça avec du papier bulle parce que ces petites voitures, ça casse facilement.

Maintenant, revenons à cette descente aux enfers...

Les Années 70 : La Chute Libre

Au cours des années 70, Chrysler se retrouve en grande difficulté financière. Et quand une maison-mère américaine a des problèmes de cash, devinez qui trinque en premier ? Exactement : les filiales européennes.

La première crise pétrolière de 1973 n'arrange rien. Avec une gamme vieillissante et des voitures qui consomment trop, Simca se fait laminer par la concurrence. Renault et Peugeot, eux, ont anticipé le choc et proposent des modèles plus économes.

Je regarde cette période et je me dis que si Pigozzi avait encore été là, il aurait su réagir. Ce type avait un instinct commercial phénoménal. Il avait créé l'hirondelle de Simca pour symboliser la faible consommation dès les années 30 ! Mais les dirigeants américains, eux, ils étaient dans leur tour d'ivoire de Detroit, déconnectés des réalités européennes.

La Dernière Carte : Les Chrysler 160/180

Chrysler tente bien de relancer la machine avec les modèles 160 et 180, rebadgés Chrysler. Mais c'est déjà trop tard, le mal est fait. Ces voitures, pourtant techniquement correctes, arrivent sur un marché où Simca a déjà perdu sa crédibilité.

Et puis, soyons honnêtes : appeler une voiture française "Chrysler 160", c'était peut-être pas la meilleure idée marketing pour reconquérir les automobilistes tricolores ! Les gens voulaient du français, de l'authentique, pas du pseudo-américain adapté.

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1978 : L'Agonie et la Vente à PSA

Nous voilà donc revenus à cette fameuse réunion de novembre 1978 dont je vous parlais en introduction. Chrysler n'a plus le choix : il faut vendre Chrysler Europe à PSA Peugeot-Citroën.

Pour Chrysler, c'est une question de survie pure. L'entreprise américaine a besoin de liquidités pour éviter la faillite sur son marché domestique. Simca et les autres marques européennes sont sacrifiées sur l'autel de la survie de la maison-mère.

PSA rachète donc l'ensemble pour une bouchée de pain. Et là, nouvelle tragédie : PSA remplace progressivement la marque Simca par Talbot. D'abord, on a des modèles badgés "Simca-Talbot", puis en juillet 1979, ils deviennent des "Talbot-Simca".

Et le 1er juillet 1980, le nom Simca disparaît définitivement. Quarante-six ans après sa création, la marque s'évapore. Comme ça. D'un trait de plume administratif.

La Fin d'un Rêve

Ce qui me frappe le plus dans cette histoire, c'est la rapidité avec laquelle tout s'est effondré. En moins de vingt ans, Simca est passée du statut de numéro deux français à la disparition pure et simple.

Talbot elle-même disparaîtra en 1986, emportant avec elle les derniers vestiges de l'empire Pigozzi. Seule l'usine de Poissy survivra, devenant un site majeur de production automobile qui fonctionne encore aujourd'hui.

J'ai parfois l'impression que l'histoire de Simca résume à elle seule les erreurs stratégiques qu'on peut commettre dans l'automobile. Vendre son âme à un géant étranger qui ne comprend pas votre marché, délaisser l'innovation au profit des économies à court terme, perdre contact avec ses clients...

L'Héritage d'une Marque Disparue

Aujourd'hui, quand je tombe sur une Simca dans une brocante ou quand j'ajoute une miniature à ma collection, je ne peux pas m'empêcher de penser à tout ce gâchis. Cette marque avait tout pour réussir : des usines modernes, des ingénieurs talentueux, une image française forte, et surtout l'héritage d'un visionnaire comme Pigozzi.

Mais voilà, dans l'automobile comme ailleurs, les histoires de passion finissent parfois mal quand elles croisent la route de la finance pure. Chrysler voyait Simca comme un investissement, Pigozzi la voyait comme sa création, son bébé.

Ce qui me console un peu, c'est que l'esprit Simca vit encore dans les cœurs des passionnés. Les clubs de collectionneurs sont actifs, les miniatures se vendent bien - j'en sais quelque chose - et certaines Simca d'époque atteignent des prix de collection respectables.

Finalement, Simca aura marqué son époque. Des millions de Français ont appris à conduire dans une Simca 1000, sont partis en vacances dans une Aronde, ont découvert l'automobile dans une Simca. Et ça, même Chrysler n'a pas pu l'effacer.

L'histoire de Simca nous rappelle que dans l'automobile, la technique ne suffit pas. Il faut une âme, une vision, une connexion avec les gens. Pigozzi l'avait compris. Les dirigeants américains, manifestement, beaucoup moins.

Alors la prochaine fois que vous croiserez une Simca sur la route - ça arrive encore ! - saluez-la comme il se doit. C'est un morceau de notre patrimoine automobile qui roule.

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Bonjour et bienvenue sur Bernard Miniatures ! Je suis Bernard, et j'ai le plaisir de vous présenter mon site dédié aux voitures miniatures.

Illustration Voitures Rétros Vintage France
L'opération secrète pour sauver Pigozzi