New York, mai 1957. Pierre Dreyfus, PDG de Renault, se tient fièrement dans un showroom flambant neuf sur Park Avenue. Autour de lui, des journalistes américains découvrent une petite voiture française qu'ils ne connaissent pas encore : la Renault Dauphine. Dans quelques mois, elle sera la deuxième voiture importée la plus vendue aux États-Unis. Dans quelques années, elle figurera au classement des pires voitures de tous les temps. Comment une success story peut-elle virer au cauchemar aussi rapidement ? Je vais vous raconter l'histoire de la plus grande aventure américaine ratée de l'automobile française.
Pour comprendre cette histoire, il faut d'abord comprendre l'état d'esprit de Renault au milieu des années 50. Pierre Dreyfus vient tout juste de prendre les rênes de la régie après la mort tragique de Pierre Lefaucheux en 1955. Socialiste convaincu, docteur en droit, Dreyfus a une vision : faire de Renault un constructeur international. Et pour ça, il mise tout sur la Dauphine.
Mais d'abord, laissez-moi vous parler de Fernand Picard, l'homme qui a créé cette voiture. Ingénieur visionnaire, directeur des études chez Renault, c'est lui qui supervise le "Projet 109" dès 1949. Je vous épargne les détails techniques, mais sachez qu'en août 1953, Picard fait personnellement 2200 kilomètres en Espagne au volant d'un prototype pour tester la voiture. C'est le genre de patron qui met les mains dans le cambouis, et ça, j'adore.
Alors évidemment, quand la Dauphine débarque aux États-Unis en mai 1957, elle n'arrive pas les mains vides. Renault a tout prévu : plus de chrome pour faire plaisir aux Américains, des phares plus gros, des pare-chocs renforcés, un chauffage "grand froid" - parce que bon, entre le climat alsacien et les hivers du Minnesota, il y a un monde. Ils ont même changé le compteur pour qu'il affiche en miles. Du grand professionnalisme, on dirait.
Le succès initial : quand tout semblait possible
Et ça marche ! 102 000 exemplaires vendus en 1959. Pour une petite voiture française aux États-Unis, c'est du jamais vu. La Dauphine devient la deuxième voiture importée la plus vendue, juste derrière la Volkswagen Beetle. Dreyfus peut être fier de lui.
Mais j'ai un faible pour les détails logistiques, alors laissez-moi vous dire comment Renault s'y prend pour acheminer toutes ces voitures. En 1957, ils créent la Compagnie d'Affrètement et de Transport, et devinez avec quoi ils transportent leurs Dauphine ? Avec d'anciens Liberty Ships ! Vous savez, ces bateaux qui ravitaillaient l'Angleterre pendant la Seconde Guerre mondiale. Renault les achète et les transforme pour transporter jusqu'à 1200 voitures chacun. Le voyage ? 20 jours pour atteindre la Floride, 35 jours pour la Californie. C'est beau, l'aventure industrielle.
Les premiers signes avant-coureurs
Sauf qu'il y a un petit problème. Un jeune stagiaire de Columbia University fait un rapport pour Renault Inc. à New York. Son nom ? Bernard Hanon. Ce nom ne vous dit rien ? Normal, en 1957, c'est juste un étudiant. Mais ce même Bernard Hanon deviendra président de Renault en 1981. Et dans son rapport, il prédit une crise du marché américain qui va tout faire s'effondrer.
Le directeur de Renault Inc. lit le rapport et... le classe sans suite. Grosse erreur. Parce que des années plus tard, quand les envoyés du siège français viendront enquêter sur la catastrophe américaine, ils retrouveront ce rapport oublié dans un tiroir. Parfois, il vaut mieux écouter les stagiaires.
D'ailleurs, vous savez ce que je trouve fascinant dans cette histoire ? C'est que la Dauphine était pourtant une voiture formidable en Europe. Moi, quand je vois passer une Dauphine dans ma collection, je ne peux pas m'empêcher de penser à tous ces rêves brisés. Parce que c'est ça aussi, l'automobile : des histoires d'hommes, de vision, et parfois d'échecs retentissants.
C'est d'ailleurs pour ça que j'ai ouvert ma boutique BernardMiniatures.fr. Parce que derrière chaque miniature, il y a une histoire. J'ai plus de 1500 modèles en stock, principalement du 1/43ème, et forcément quelques Dauphine qui me rappellent cette épopée américaine. Bon, je ne suis pas un gros site, alors souvent j'ai qu'une ou deux pièces de chaque modèle, mais c'est aussi ce qui fait le charme. J'ai du Renault bien sûr, mais aussi des voitures des années 50 à 90, un peu de tout quoi. La livraison est gratuite à partir de 75€ en France, et je fais attention à bien emballer tout ça parce que ces petites voitures, ça raconte des histoires, mais ça casse aussi facilement. Allez faire un tour sur bernardminiatures.fr si ça vous dit. Maintenant, revenons à notre Dauphine qui va bientôt connaître sa chute...
L'effondrement : quand le rêve tourne au cauchemar
1960. Tout s'effondre. Les ventes de Dauphine chutent de 44% en un an. Près de 60 000 véhicules s'accumulent en stock - ça représente une année complète de ventes ! Imaginez un peu le désastre financier.
Mais pourquoi une telle chute ? Parce que la réalité américaine rattrape la Dauphine à vitesse grand V. Les clients découvrent que leur jolie petite française a quelques... défauts de jeunesse, disons.
Les défauts fatals
D'abord, les hivers américains. Malgré le chauffage "grand froid", la Dauphine a du mal à démarrer par températures négatives. Ensuite, la poussière : aux États-Unis, il y en a partout, et l'étanchéité de la voiture n'est pas au niveau. Mais le pire, c'est la corrosion. Le sel qu'ils mettent sur les routes en hiver bouffe littéralement la carrosserie.
Et puis il y a les problèmes de qualité : chromes qui ternissent, peinture qui cloque, plastiques qui cassent. Le magazine Time ne va pas y aller par quatre chemins : la Dauphine finira 9ème au classement des "pires voitures de tous les temps". Le critique automobile la qualifie de "la chose la plus inefficace de l'ingénierie française depuis la Ligne Maginot". Aïe. Il ajoute même que "mettre 32 secondes pour atteindre 60 miles à l'heure donnait à la Dauphine un sérieux désavantage lors d'une course de vitesse avec du matériel agricole". Double aïe.
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Le réseau de distribution bâti "de bric et de broc"
Mais le vrai problème, c'est que Renault n'a pas de vrai réseau de distribution aux États-Unis. Les concessionnaires sont choisis un peu au hasard, sans formation, sans suivi. Résultat : aucun service après-vente digne de ce nom. Quand votre Dauphine tombe en panne - et ça arrive souvent - vous vous retrouvez avec une voiture immobilisée et aucun moyen de la réparer correctement.
J'ai lu des témoignages de l'époque, c'est édifiant. Des clients qui attendent des pièces détachées pendant des mois, des réparations bâclées, des concessionnaires qui ne connaissent même pas la voiture qu'ils vendent. L'image de Renault, et plus largement des voitures françaises, en prend un coup dont elle ne se remettra jamais vraiment.
Les anecdotes les plus croustillantes du fiasco
Mais attendez, parce que j'ai gardé le meilleur pour la fin. Cette histoire regorge d'anecdotes absolument incroyables.
Les voitures perdues dans les catastrophes naturelles
Tenez-vous bien : Renault perd plus de 6000 véhicules jugés invendables après le passage d'un cyclone à Houston et d'un raz de marée à New York. 6000 Dauphine ! Ça, c'est ce qu'on appelle la poisse. Et comme si ça ne suffisait pas, faute d'un vrai réseau de distribution, certaines Dauphine importées se retrouvent quasi à l'abandon dans les ports, rouillant sur place. L'image est terrible : des centaines de petites voitures françaises qui se dégradent lentement sous le soleil américain.
La reconversion inattendue en voitures électriques
Mais voilà où ça devient drôle : plusieurs artisans américains vont récupérer ces Dauphine abandonnées pour les transformer en voitures électriques ! Eh oui, entre 1959 et 1962, naissent les rares Dauphine Henney Kilowatt. L'idée ? Une voiture minimaliste et légère, qu'on peut obtenir rapidement en série pour un tarif raisonnable. Finalement, la Dauphine était peut-être en avance sur son temps...
Le rapport prophétique oublié
Et puis il y a cette histoire de Bernard Hanon que je vous ai racontée. Imaginez la scène : des années après le fiasco, les dirigeants français débarquent à New York pour comprendre ce qui s'est passé. Ils fouillent les bureaux et tombent sur ce rapport d'un petit stagiaire qui avait tout prévu. Le futur président de Renault avait 20 ans d'avance sur ses collègues. Parfois, la vérité sort de la bouche des jeunes.
L'héritage durable d'un échec
Au final, l'aventure américaine de la Dauphine se solde par un échec cuisant qui va marquer durablement l'image des voitures françaises outre-Atlantique. "Les voitures françaises, c'est de la merde" : voilà le sentiment qui va s'installer chez les consommateurs américains. Cette réputation négative handicapera tous les constructeurs français pendant des décennies, affectant même les tentatives ultérieures de Renault et Peugeot.
C'est une leçon coûteuse d'internationalisation. On ne s'attaque pas au marché américain avec une voiture mal adaptée aux divers climats et surtout sans un réseau de distribution solide. Pierre Dreyfus et ses équipes l'apprendront à leurs dépens.
Mais vous savez quoi ? Malgré cet échec retentissant, je garde une tendresse particulière pour cette petite Dauphine. Parce qu'elle représente quelque chose de beau : l'audace. L'audace de croire qu'une petite voiture française pouvait conquérir l'Amérique. L'audace de Dreyfus, de Picard, de toutes ces équipes qui y ont cru.
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Quand l'échec devient légende
Aujourd'hui, quand je regarde une Dauphine - en vrai ou en miniature - je ne pense pas au fiasco américain. Je pense à tous ces ingénieurs qui ont travaillé nuit et jour pour adapter leur voiture au marché américain. Je pense à ces ouvriers du Havre qui chargeaient les Liberty Ships. Je pense à Pierre Dreyfus qui croyait sincèrement pouvoir conquérir l'Amérique avec sa petite française.
C'est ça, l'automobile : des rêves, des échecs, des leçons. Et parfois, les plus beaux échecs nous en apprennent plus sur nous-mêmes que les plus grands succès. La Dauphine n'a pas conquis l'Amérique, mais elle a marqué l'histoire. Et au fond, c'est peut-être ça, le plus important.
Alors la prochaine fois que vous croiserez une Dauphine sur la route - ça arrive encore, ces petites sont increvables - pensez à cette épopée américaine. Pensez à tous ces hommes qui ont cru en leur rêve et qui l'ont poursuivi jusqu'au bout, malgré les obstacles.
Parce que finalement, c'est ça qui rend l'automobile passionnante : ce ne sont pas que des machines, ce sont des histoires d'hommes. Et l'histoire de la Dauphine américaine, même ratée, reste l'une des plus belles qu'il m'ait été donné de raconter.














