1969, circuit de Silverstone, Angleterre. Un jeune Écossais de 30 ans fonce dans sa monoplace bleue et blanche, laissant ses adversaires à plus d'un tour de retard. Jackie Stewart vient de pulvériser la concurrence au volant d'une voiture que personne ne connaissait l'année d'avant. Une voiture française. Une voiture construite par... une entreprise de missiles.
Attendez, revenons en arrière. Comment diable une boîte qui fabrique des lance-roquettes s'est-elle retrouvée à dominer la Formule 1 ? Et comment a-t-elle fini par inventer le monospace ? Parce que oui, si vous roulez en Espace ou en Scénic, vous devez remercier des ingénieurs qui bricolaient des missiles dans les années 40.
Aujourd'hui, je vais vous raconter l'une des aventures les plus folles de l'automobile française. L'histoire de Matra, cette entreprise qui a réussi l'impossible : transformer du savoir-faire militaire en triomphe sportif, avant de révolutionner la voiture familiale. Et croyez-moi, ça commence par une guerre mondiale.
Des missiles dans un garage
On est en 1941, la France vit sous l'occupation allemande. Dans ce contexte particulier, un certain Marcel Chassagny décide de fonder une petite entreprise. Son nom ? Matra, pour Mécanique Aviation TRAction. Au début, c'est vraiment artisanal - on parle d'un garage avec quelques ouvriers qui bricolent de la mécanique de précision.
Mais Marcel, il a de la suite dans les idées. Dès la Libération, il comprend que l'avenir, c'est l'armement moderne. Missiles, lance-roquettes, tout ce qui va vite et fait du bruit. En quelques années, Matra devient l'un des spécialistes français de la technologie militaire de pointe. Je vous passe les détails techniques, mais disons que quand vous savez faire un missile qui vole à Mach 2, vous maîtrisez quelques trucs en aérodynamique et en mécanique de précision.
Et c'est là que l'histoire devient intéressante. En 1962 débarque un certain Jean-Luc Lagardère. Ingénieur diplômé de Supélec, il a fait ses armes chez Dassault - vous savez, les mecs qui font les Mirage. Lagardère, c'est le visionnaire de l'histoire. Il regarde cette entreprise d'armement et se dit : "Et si on faisait de la voiture ?"
Mais pourquoi ? Eh bien, imaginez-vous à sa place. Vous dirigez une boîte ultra-performante techniquement, mais personne ne connaît votre nom. Le grand public, il s'en fout de vos missiles. Par contre, si vous gagnez au Mans ou en Formule 1... là, tout le monde va connaître Matra.
Le pari fou de Lagardère
En 1964, Lagardère fait son premier coup. Il rachète René Bonnet, un petit constructeur qui fabrique la Djet - une sportive avec un moteur Renault placé au milieu. Du jour au lendemain, Matra a sa première voiture. Bon, techniquement, ils l'ont rachetée, mais c'est un début.
Je dois vous avouer quelque chose : à l'époque, personne ne connaissait Matra dans le monde de l'automobile. Philippe Guédon, l'ingénieur qui va concevoir la future 530, confessera plus tard : "Je ne savais même pas ce qu'était Matra quand j'ai répondu à leur annonce d'embauche en 1965." Et Jackie Stewart, le futur champion du monde ? Il avouera n'avoir "jamais entendu parler de Matra" lors de sa première rencontre avec l'équipe en 1967.
Mais Lagardère, il s'en fiche. Il a un plan. Pendant que ses équipes développent la première vraie Matra - qui s'appellera la 530, comme le missile R.530 de la maison - il lance un autre projet encore plus ambitieux : la Formule 1.
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L'épopée en Formule 1
1967. Matra débarque en Formule 1 avec ses ingénieurs habitués aux missiles et leurs calculettes. Face à eux ? Ferrari, Lotus, McLaren... des monuments du sport automobile. Et eux, ils arrivent avec leurs blouses blanches et leur expertise en aérodynamique militaire.
Sauf que très vite, ça devient évident que ces gars-là, ils ont du niveau. La Matra MS10, leur première F1, elle est déjà très correcte. Mais c'est l'année suivante que tout explose avec la MS80. Et quand je dis explose, c'est littéralement le cas.
1969 : L'année de tous les records
Jackie Stewart au volant de la Matra MS80, c'est du jamais vu. Le mec gagne avec des écarts hallucinants : plus de deux tours d'avance à Montjuïc, une minute d'avance à Clermont-Ferrand, plus d'un tour à Silverstone. Stewart déclarera plus tard que la MS80 était "la Formule 1 au comportement le plus agréable" qu'il ait jamais pilotée.
Et vous savez ce qui est dingue ? Cette année-là, Matra remporte non seulement le championnat pilotes avec Stewart, mais aussi le championnat constructeurs. La France venait de remporter ses premiers titres mondiaux en Formule 1. Pas mal pour une entreprise de missiles qui faisait de la voiture depuis cinq ans.
Mais attendez, l'histoire ne fait que commencer. Parce que pendant que Stewart cartonne en F1, dans les bureaux d'études de Matra, un certain Georges Martin planche sur quelque chose d'encore plus fou.
Le V12 légendaire
Georges Martin, c'est l'ingénieur qui a conçu le fameux "moteur Poissy" de Simca. Un mec qui connaît la mécanique. En 1967, Lagardère lui donne carte blanche pour créer un moteur de course. Martin se lâche complètement : un V12 de 3 litres qui développe 388 chevaux dès le premier essai.
Ce moteur, le MS9, va devenir légendaire. Pas seulement pour ses performances, mais pour sa sonorité. Vous avez déjà entendu un V12 Matra hurler dans les lignes droites du Mans ? C'est un truc qui vous prend aux tripes. Un son unique, envoutant, qui fait que trente ans après, les amateurs de sport automobile en ont encore des frissons.
La Renault 5 était bien plus qu'une simple voiture populaire - c'était un symbole de liberté et d'indépendance pour toute une génération de Français. Quand elle est sortie en 1972, personne n'imaginait qu'elle deviendrait l'une des voitures les plus emblématiques de l'Hexagone. Et vous savez quoi ? Cette R5, elle me rappelle pourquoi j'adore les miniatures automobiles. Parce que tenir une petite R5 au 1/43ème dans ses mains, c'est un peu comme retrouver toute cette époque d'un coup. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai ouvert ma boutique BernardMiniatures.fr. J'ai plus de 1500 miniatures en stock, surtout du 1/43ème, principalement des voitures de 1950 à 1999. Bon, je ne suis pas un gros site, alors souvent j'ai qu'une ou deux pièces de chaque modèle, mais c'est aussi ce qui fait le charme. J'ai des Matra bien sûr, mais aussi des Alpine, des Citroën, des Renault... des voitures des 24h du Mans, du rallye, de la F1... un peu de tout quoi. La livraison est gratuite à partir de 75€ en France, et je fais attention à bien emballer tout ça avec du papier bulle parce que ces petites voitures, ça casse facilement. Allez faire un tour sur bernardminiatures.fr si ça vous dit - et vous verrez, j'ai quelques Matra qui valent vraiment le détour.
Maintenant, parlons un peu plus de la domination absolue qui va suivre...
L'apothéose du Mans
1972, 1973, 1974. Trois années où Matra va littéralement exploser la concurrence aux 24 Heures du Mans. Avec la MS670 et son V12 de Georges Martin, ils vont signer un triplé historique. Trois victoires consécutives, deux titres de champion du monde des constructeurs en sport-prototypes.
La MS670, c'est le summum de la technologie Matra. Tout ce qu'ils ont appris en missiles, en aérodynamique, en mécanique de précision, condensé dans une voiture de course. Et ça marche tellement bien que ça en devient presque injuste pour les autres.
Mais vous savez ce qui est encore plus dingue ? En 1974, au sommet de sa gloire, Lagardère décide d'arrêter.
Le retrait stratégique
1974, Jean-Luc Lagardère convoque la presse. "Matra arrête la compétition", annonce-t-il. Les journalistes n'en croient pas leurs oreilles. L'équipe vient de gagner au Mans pour la troisième fois consécutive, ils dominent le championnat du monde... et ils arrêtent ?
Lagardère est cash dans ses explications : "Nous avons atteint tous nos objectifs. Nous avons prouvé que Matra savait faire de la haute technologie automobile. Mission accomplie." En dix ans, l'équipe Matra Sports aura remporté 124 victoires. Pas mal pour des fabricants de missiles.
Mais c'est là que l'histoire devient encore plus folle. Parce que Lagardère, il n'a pas dit son dernier mot. Si Matra arrête la compétition officielle, le V12 va continuer à vivre sa vie ailleurs.
Le retour par Ligier
1976. Guy Ligier, ancien rugbyman devenu constructeur, récupère les moteurs V12 Matra pour équiper ses Formule 1. Et en 1977, à Anderstorp en Suède, Jacques Laffite offre à ce moteur sa première victoire 100% française en F1. Châssis français, moteur français, pilote français. Du jamais vu depuis... jamais, en fait.
Le V12 Matra va continuer à rugir en F1 jusqu'en 1982, offrant encore quelques victoires à Ligier. Mais pendant ce temps, dans les bureaux de Vélizy, Matra prépare sa révolution suivante.
La révolution du quotidien
Années 70, début des années 80. Matra a prouvé qu'ils savaient faire de la vitesse, maintenant ils veulent s'attaquer au quotidien des Français. Et là, ils vont sortir des concepts complètement fous pour l'époque.
La 530, "la voiture des copains"
1967, la première vraie Matra sort des ateliers de Romorantin. La 530, ainsi nommée en référence au missile R.530 de la maison. Lagardère l'avait surnommée "la voiture des copains", ce qui en dit long sur l'ambiance qu'il voulait créer autour de la marque.
Avec son moteur Ford V4 placé au milieu et sa ligne signée Philippe Guédon, la 530 va marquer les esprits. C'est la première fois qu'une voiture française ose vraiment jouer dans la cour des sportives. Et elle le fait avec une élégance toute particulière.
L'innovation permanente
Après la 530, Matra va enchaîner les concepts novateurs. La Bagheera en 1973, avec ses trois places de front - du jamais vu. Le Rancho en 1977, précurseur des SUV modernes. Et l'anecdote est savoureuse : quand Philippe Guédon présente l'idée du Rancho à Lagardère, celui-ci lui répond "Cher Monsieur Guédon, faites ce que vous voulez, mais je ne peux pas vous donner un centime !"
Guédon est donc contraint de bricoler avec un châssis de Simca 1100 pick-up existant. Et contre toute attente, "alors qu'on avait du mal à vendre la Bagheera, le Rancho se vendit comme des petits pains" avouera-t-il plus tard.
Mais la vraie révolution va venir en 1982 avec un projet encore plus fou : inventer la voiture familiale de demain.
L'invention du monospace
1982. Dans les bureaux d'études Matra, une équipe planche sur un concept révolutionnaire pour Renault. L'idée ? Une voiture où toute la famille peut s'asseoir confortablement, avec un habitacle modulable et une position de conduite surélevée.
Le concept fait marrer tout le monde dans l'industrie automobile. "Qui va vouloir conduire un frigo sur roues ?" ricannent les concurrents. Matra s'en fiche et continue à développer son "Projet P23".
1984, le Renault Espace est présenté au public. C'est un flop commercial au début - les Français ne comprennent pas ce truc bizarre. Mais petit à petit, les familles découvrent le plaisir de voyager dans un vrai salon roulant. L'Espace va devenir un énorme succès et créer une catégorie entière : le monospace.
Le rêve inachevé de Lagardère
1993. Jean-Luc Lagardère caresse un rêve fou : devenir le principal actionnaire de Renault lors de sa privatisation partielle. Son idée ? Apporter Matra Automobile "dans la corbeille de mariage" et fusionner les deux entreprises. Un projet pharaonique qui aurait créé un géant français de l'automobile.
Mais le rêve va tourner court. Louis Schweitzer, PDG de Renault, et Édouard Balladur, Premier ministre, s'opposent fermement au projet. Lagardère devra se contenter de son rôle de partenaire.
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La fin d'une époque
Années 90, début 2000. Matra continue d'innover avec des projets comme l'Avantime, un coupé-monospace futuriste. Mais le marché ne suit plus. Les goûts changent, la concurrence s'intensifie, et surtout, les Français se détournent des innovations trop avant-gardistes.
2003. Jean-Luc Lagardère annonce la fermeture de l'usine de Romorantin. L'Avantime, malgré sa modernité, ne trouve pas son public. Après 40 ans d'aventure automobile, Matra tire sa révérence.
C'est la fin d'une épopée unique dans l'histoire de l'automobile française. Une entreprise née de la guerre, grandie dans les missiles, épanouie en Formule 1 et qui a fini par révolutionner la voiture familiale.
L'héritage
Aujourd'hui, quand vous montez dans un Espace, un Scénic ou n'importe quel monospace, vous roulez dans l'héritage de Matra. Quand vous entendez le V12 d'une Ligier JS17 dans une démonstration historique, vous entendez l'âme de Georges Martin. Et quand vous admirez une 530 sur un parking de voitures anciennes, vous contemplez le rêve de Lagardère : faire connaître Matra au grand public.
Mission accomplie, dirais-je. Parce que quarante ans après, on en parle encore. Cette entreprise de missiles a réussi son pari le plus fou : marquer l'histoire de l'automobile française. Du premier missile au dernier monospace, Matra aura été le symbole d'une époque où l'innovation française osait défier le monde entier.
Et vous savez quoi ? Ça me donne envie de retrouver une petite Matra 530 miniature pour ma collection. Parce qu'au fond, c'est ça l'héritage de cette marque : des voitures qui font rêver, même à l'échelle 1/43ème.














